
Voici une photo de mon gilet noir, enfin fini.
Bon, je porte ma chemise n'importe comment, mais ne faites pas atten
...
Je voulais finir cet article et le poster hier, mais quelque chose de terrible est arrivé entre-temps. J'ai été mise en garde à vue par la tricot-police.
Ils ont frappé à ma porte avant de la défoncer (c'est mon chéri qui a tiré la tronche quand il a vu ça) et de m'embarquer direct au poste. Je dis ils, mais il s'agissait une femme mûre et un jeune homme. La femme portait un badge 'Anny Blatt : 6 fils et 3 lurex, sinon rien' et le jeune homme avait un tatouage avec une tête de mort et des aiguilles à tricoter entremêlés.
-Ne dites rien, me dit la femme. Ca fait un moment qu'on vous a à l'oeil, là, votre compte est bon. Vous avez osé tricoter ce gilet sans faire d'échantillon.
- C'est très mal, m'expliqua le jeune homme (alors que je le savais déjà, et que si ce gilet ne ferme pas, c'est qu'il y a une raison).
Une fois au poste, je fus laissée seule dans une pièce avec une corbeille de fruits. Je voulus manger une pomme pour calmer ma faim et mon inquiétude, mais, horreur : elle était tricotée. Je me rendis bien vite compte que tout, dans cette pièce, des rideaux aux abats-jours, avait été fait main aux aiguilles. Saisie d'admiration, emplie du sentiment de ma propre petitesse, j'étais à point. La femme rentra brusquement en ouvrant la porte d'un coup de pied, suivie par son acolyte souriant.
-Signez ça, dit-elle.
Je commençai à lire la déclaration.
"1° Toute tricoteuse digne de ce nom admirera
sans réserve les pulls d'Anne Sinclair dans
7 à 8..."
- Je ne peux pas faire ça ! Hurlai-je.
- Silence ! Tricotin, rééduque-là ! Lança ma tortionnaire à son acolyte avant de partir en claquant la porte. L'homme inspira pronfondément et commença à parler.
- Oui, je m'appelle Tricotin. Je suis un homme, et je tricote. Ca vous étonne ? Mais les premiers tricoteurs étaient des hommes, et les marins tricotaient, un marin, ça ne manque pas exactement de virilité, n'est-ce pas ? Regardez aussi les tricoteurs actuels :
Kaffe Fassett, mais aussi
Brooklyn tweed... En fait, nous les hommes, nous sommes bien meilleurs que vous, les femmes. Eh oui, regardez : un homme qui tricote fait tout de suite sensation et il est intensément admiré, même quand il ne fait qu'une écharpe au point mousse ! C'est comme la cuisine : une femme qui cuisine, c'est normal, un homme qui cuisine, ça devient un grand chef à la tête de plusieurs restaurants. Dès qu'un homme investit un art féminin, on l'encense. Je crois que c'est parce que nous sommes infiniment supérieurs. Et aussi parce que, enfin moi, du moins, nous sommes mignons... dit-il en se redressant, le visage illuminé d'une joie enfantine.
Prise de désespoir devant l'ineptie de ce monologue, desespérée, je soulevai les bras pour lui montrer les finitions de mon gilet.
- Argh, quelle horreur ! s'étrangla-t-il.
Encouragée, je lui montrai alors les bouts de fil qui s'obstinaient à ressortir sur l'endroit du travail alors que je les avais rangés bien sagement sur l'envers avant la mise en forme. Il s'évanouit.
C'est ainsi que je rentrai à la maison pour finir ce post. Tricoteuses un peu trop libres, faites attention : vous pourriez être surveillées !